mardi 11 décembre 2012

Ils venaient du nord - Françoise Lalande

Présentation de l'éditeur :


Roman sur deux jeunes hommes. En une vingtaine de tableaux, Françoise Lalande narre les moments forts de la destinée de deux génies : Rimbaud et Van Gogh, qu'un lien invisible unissait. Elle offre de la sorte un point de vue caustique sur le rapport d'une société avec ses créateurs.

Mon avis :

Dans un court essai d'une soixantaine de pages et en une vingtaine de thèmes, Françoise Lalande rapproche d'une manière sensible et passionnée la destinée de deux génies  venus du Nord  Rimbaud et Van Gogh, reconnus comme tels seulement après leur disparition.

On ne peut s'empêcher d'être surpris par toutes ces similitudes que l'auteur met en évidence, rapprochant poésie, peinture et destinées.

Un magnifique petit essai qui donne envie de redécouvrir les œuvres de ces deux génies avec un autre regard.

Quelques extraits :

Les tableaux de Vincent et les poèmes de Rimbaud demandent quelque chose d'autre, peut être du respect pour cette force qui nous dépasse, du bonheur qui vient de ce qui est beau, tout simplement, on reste assis devant les iris pendant des heures, on relit une fois de plus le bateau ivre, et c'est le bleu du ciel sur terre, façon de dire qu'il se passe quelque chose dans le cœur, dans le corps, et que cela vient de l’œuvre et de rien d'autre.

La dernière lettre est toujours une lettre d'adieu, même si le mot n'y est pas écrit, mais par le mystère de la mort annoncée, elle est message ultime du peintre à son frère, du poète au Directeur des Messageries maritimes.

Ils furent les aventuriers du soleil, jusqu'au jour où lui, Vincent se mit à tournoyer dans les champs, avec le vol d'oiseaux noirs au dessus du blé trop mûr, jusqu'au jour où, lui, Arthur, se mit à pourrir dans les déserts, avec des larmes comme nul autre agonisant n'en versera, mais à présent, le soleil se lève toujours pour eux.

lundi 10 décembre 2012

Madame Rimbaud - Françoise Lalande

Présentation de l'éditeur :

Madame Rimbaud ? Une horrible mégère doublée d'une mère castratrice, si l'on en croit l'imagerie scolaire et certaines légendes rimbaldiennes. La vérité est différente, plus complexe. Vitalie Rimbaud, née Cuif en 1825 dans une ferme des Ardennes, était une femme simple. Ayant perdu sa mère à l'âge de cinq ans, elle restera seule pour diriger l'exploitation familiale. Mariée au capitaine Frédéric Rimbaud en 1853, Vitalie sera abandonnée avec ses quatre enfants et devra affronter seule - une fois encore - le bombardement de Charleville-Mézières, l'humeur vagabonde de ses fils et notamment d'Arthur, la maladie d'une de ses filles... Elle se disait " vouée à toutes les souffrances de la vie ". Elle était la mère d'Arthur Rimbaud.

Mon avis :

Françoise Lalande  a  voulu rendre justice à une femme, dont tous le monde connait le fils, Madame Rimbaud. En partant d'une documentation précise et très bien analysée, elle nous retrace la vie de la mère de Rimbaud, dont les biographes de son fils n'ont pas laissé une image toujours très sympathique. Non seulement elle réhabilite l'image de la mère de ce génie, mais elle nous apporte un éclairage original sur Arthur lui-même.

Elle donne également une bonne idée de la vie dans les Ardennes en cette fin du XIXème siècle. 

Une biographie très documentée écrite dans un style vif et où l'auteur n'hésite pas donner sa propre interprétation des éléments à sa disposition, ce qui donne un livre très complet où on apprend beaucoup .

jeudi 6 décembre 2012

Le secret des abeilles - Sue Monk Kidd

Présentation de l'éditeur :


"Nous vivions pour le miel. Nous en avalions une cuillerée le matin pour nous réveiller et une autre le soir pour nous aider à dormir. Nous en prenions à chaque repas pour apaiser notre esprit, nous donner du tonus et prévenir les maladies mortelles."
En 1964, Lily a quatorze ans et vit en Caroline du Sud avec son père, un homme brutal, et Rosaleen, sa nourrice noire. Le décès de sa mère dans d'obscures conditions la hante. Lorsque Rosaleen se fait molester par les Blancs, Lily décide de fuir avec elle cette vie de douleurs et de mensonges. Elles trouvent refuge chez les soeurs Boatwright, trois apicultrices tendres et généreuses dont l'emblème est une Vierge noire. A leurs côtés, Lily va être initiée à la pratique quasi mystique de l'apiculture, à l'affection, à l'amour et à la tolérance. Sue Monk Kidd signe ici un roman touchant sur une époque où le racisme faisait force de loi, sur la magie de la nature et de la vie, et la puissance de l'amour maternel.

 Mon avis :

C'est l'histoire d'une jeune fille blanche qui fuit son père et se retrouve hébergée par une famille de sœurs noires, apicultrices dans le contexte de la lutte pour les droits civiques dans les  états unis des années 60. Elle est en quête de l'histoire de sa mère. L'histoire se déroule sur quelques semaines et nous embarque très vite. Les personnages  sont extrêmement attachants, tout en nuances et en humanité.
Sue Monk Kidd  nous offre une écriture très agréable, les personnages ont une véritable profondeur et on les voient évoluer progressivement dans toute la palette des émotions et celles du lecteur sont aussi beaucoup sollicitées . Un très beau livre, dont on sort optimiste sur la nature humaine.

samedi 1 décembre 2012

Neige - Maxence Fermine

Présentation de l'éditeur :


Au Japon, à la fin de XIXe siècle, le jeune Yuko s'adonne à l'art difficile du haïku. Désireux de perfectionner son art, il traverse les Alpes japonaises pour rencontrer un maître. Les deux hommes vont alors nouer une relation étrange, où flotte l'image obsédante d'une femme disparue dans les neiges.
Dans une langue concise et blanche, Maxence Fermine cisèle une histoire où la beauté et l'amour ont la fulgurance du haïku.
On y trouve aussi le portrait d'un Japon raffiné où, entre violence et douceur, la tradition s'affronte aux forces de la vie.

Mon Avis :

Un très court roman qui nous emmène à la source de la création poétique japonaise, dans une histoire toute simple, on suit le parcours de Yuko qui va s'initier à l'univers du haïku.

Chaque chapitre est introduit avec un haïku. Le style est lui aussi très poétique, et si le texte est très court et donc très vite lu, on en sort avec l'envie de redécouvrir cette forme un peu étrange de poésie et le monde qu'elle nous permet de côtoyer, bien différents des formes habituelles de notre poésie occidentale.

Quelques extraits :

La poésie n’est pas un métier. C’est un passe-temps. Un poème, c’est une eau qui s’écoule. Comme cette rivière. Yuko plongea son regard dans l’eau silencieuse et fuyante. Puis il se tourna vers son père et lui dit : C’est ce que je veux faire. Je veux apprendre à regarder passer le temps.

Un matin, le bruit du pot d’eau qui éclate dans la tête fait germer une goutte de poésie, réveille l’âme et lui confère sa beauté. C’est le moment de dire l’indicible. C’est le moment de voyager sans bouger. C’est le moment de devenir poète.

Ne rien enjoliver. Ne pas parler. Regarder et écrire. En peu de mots. Dix-sept syllabes. Un haïku.

Un matin, on se réveille. Il est temps de se retirer du monde pour mieux s’en étonner. Un matin, on prend le temps de se regarder vivre.

Mais il savait une chose, une seule chose, triste et belle : c’est qu’il allait vieillir, bien sûr, et finir par mourir un jour, mais jamais l’amour qu’il portait à cette femme ne mourrait, et pas davantage ce visage endormi sous la glace ne vieillirait.

Oui, une femme. Car l’amour est bien le plus difficile des arts. Et écrire, danser, composer, peindre, c’est la même chose qu’aimer. C’est du funambulisme. Le plus difficile, c’est d’avancer sans tomber. Soseki, lui, a fini par tomber pour l’amour d’une femme. Seul l’art l’a sauvé du désespoir et de la mort. Mais c’est une longue histoire, et elle va t’ennuyer, je crois.

Neige était devenue funambule par souci d’équilibre. Elle, dont la vie se déroulait comme un fil tortueux, entrelacé de nœuds que nouaient et dénouaient la sinuosité du hasard et la platitude de l’existence, excellait dans l’art subtil et périlleux consistant à évoluer sur une corde raide.

Pourquoi ? En vérité, le poète, le vrai poète, possède l’art du funambule. Écrire, c’est avancer mot à mot sur un fil de beauté, le fil d’un poème, d’une œuvre, d’une histoire couchée sur un papier de soie. Écrire, c’est avancer pas à pas, page après page, sur le chemin du livre. Le plus difficile, ce n’est pas de s’élever du sol et de tenir en équilibre, aidé du balancier de sa plume, sur le fil du langage. Ce n’est pas non plus d’aller tout droit, en une ligne continue parfois entrecoupée de vertiges aussi furtifs que la chute d’une virgule, ou que l’obstacle d’un point. Non, le plus difficile, pour le poète, c’est de rester continuellement sur ce fil qu’est l’écriture, de vivre chaque heure de sa vie à hauteur du rêve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce qu’un instant, de la corde de son imaginaire. En vérité, le plus difficile, c’est de devenir un funambule du verbe.

Il y a deux sortes de gens. Il y a ceux qui vivent, jouent et meurent. Et il y a ceux qui ne font jamais rien d’autre que se tenir en équilibre sur l’arête de la vie. Il y a les acteurs. Et il y a les funambules.