samedi 27 octobre 2012

Stéphane Hessel : portrait d'un rebelle heureux - Manfred Flügge

Présentation de l'éditeur :


Durant l'entre-deux-guerres, résistant, déporté, diplomate, amateur de poésie, icône internationale d'une génération qui a reçu le manifeste Indignez-vous ! comme un appel et un espoir?
Un seul nom pour toutes ces vies : Stéphane Hessel.
Voici le premier essai biographique jamais écrit sur cet homme d'exception. Manfred Flügge, qui le connaît depuis près de trente ans, nous livre à la fois un portrait intime, un récit des années de combat et une analyse passionnante du phénomène médiatique et des polémiques que son opuscule a pu susciter. « Un livre dont j'admire la pertinence, l'authenticité et qui correspond à ce que je ressens. » Stéphane Hessel.

Mon avis : 

Ce livre est un essai biographique sur Stéphane Hessel , dont la vie foisonnante  dans laquelle  la poésie joue un grand rôle fascine les personnes qui le découvre.
Voilà un homme, qui, après une jeunesse et une vie professionnelle extrêmement riche et variée  devient célèbre à plus de quatre vingt dix ans, avec un petit recueil "indignez vous" qui devient un phénomène d'édition.
Le livre  est  en plusieurs parties, on découvre les origines familiales de Stéphane Hessel dans un milieu  culturellement  riche, on y rencontre nombre des artistes  qui ont   fait le début du 20ème siècle, puis la vie de ses parents, dont le long épisode avec leur ami Henri-Pierre Roché a inspiré a ce dernier le roman dont a été tiré le célèbre film  "Jules et Jim" . On découvre ensuite la jeunesse de Stéphane Hessel, puis les années de guerre, la résistance et les camps de concentration, pour arriver après guerre à sa carrière diplomatique .
Le livre se poursuit avec les circonstances de l'écriture du livre par Manfred Flügge qui décrit ses rencontres avec Hessel et raconte toute la passion de ce dernier pour la poésie tout au long de sa vie.
Enfin, il se termine par une histoire documentée et sans concession du manifeste "indignez vous" ainsi  que de "engagez vous" qui en a suivi la publication et d'une analyse des critiques et des polémiques suscité par ces livres  et les positions prises durant cette période  par Stéphane Hessel.
L'écriture de Manfred Flügge est claire et les analyses systématiques, on est devant un travail de précision, une grande amitié  transparait mais il n'y a pas de concessions et l'auteur sait être critique et montrer les points sombres, les faiblesses ou les erreurs sans jamais oublier les qualités et il cherche  toujours à comprendre ce qui peut avoir amené telle ou telle situation.
Toutes les analyses sont soigneusement documentées, c'est un remarquable travail de biographie sensible.
Parfois, le ton devient très didactique et les démonstrations peuvent paraitre un peu longues, mais cela ne nuit pas à la clarté du propos.
Un livre vraiment  complet, qui permet de mieux comprendre  qui est Stéphane Hessel en allant bien au delà des polémiques et de se faire sa propre opinion en connaissance de cause.

 Quelques extraits :

Franz Hessel n'avait pas l'ambition d'être un grand auteur, de créer une grande œuvre. Il ne voulait rien construire mais seulement jouir de ce qui existait déjà et en témoigner. Il ne s'agissait pas pour lui de conquérir, mais de donner à voir. "Nous ne voyons que ce qui nous regarde", écrivit il.

A la maison, il avait dessiné dans un cahier tout un atlas fantastique. Mais il n'y avait qu'un seule région dans ce monde, l'archipel Hesselland. Famille et amis, chacun avait son ile. Peut être devrait-on reconstituer la vie de Stéphane Hessel de cette manière, comme un atlas retraçant les histoires des iles, autant de de monades du destin gagnées ou perdues.

Le roman, le scénario de l'imaginaire, est un jeu avec nos aspirations (même les plus inavouables), une tentative pour échapper à la temporalité, en en suggérant une autre, celle du récit. L'autre est ce qui nous manque (et donc nous attire), il peut même s'agir du monde entier.

Le poème contient dans le même temps l'affirmation de la vie et le consentement à la mort. La vie se manifeste à travers la prosodie, la sonorité, le plaisir de dire les vers en respectant leur rythme. Le caractère définitif des choses se manifeste dans l'énoncé comme dans la forme. "La beauté est la vérité, la vérité est la beauté" : ces paroles de Keats contiennent tout ce qu'on doit savoir sur terre.
La poésie est d'abord plaisir - plaisir des mots, des sons, du parler, de la forme -, et elle devient seulement ensuite un jeu, une affirmation têtue de la volonté de vivre quand on se trouve dans une situation critique. Et elle est aussi magicienne, car elle rappelle l'existence d'autres sphères, renvoie à un au-delà de l'instant présent dans lequel elle se manifeste. La poésie se loge tout à la fois entre les temps et au seuil de l'éternité. Elle rend présent, vivant, actuel tout ce qu'elle implique au moment même où on la récite.



mardi 16 octobre 2012

Et puis, Paulette ... - Barbara Constantine

Présentation de l'éditeur :


Ferdinand vit seul dans sa grande ferme vide. Et ça ne le rend pas franchement joyeux. Un jour, après un violent orage, il passe chez sa voisine avec ses petits-fils et découvre que son toit est sur le point de s'effondrer. A l'évidence, elle n'a nulle part où aller. Très naturellement, les Lulus ( 6 et 8 ans ) lui suggèrent de l'inviter à la ferme. L'idée le fait sourire. Mais ce n'est pas si simple, certaines choses se font, d'autres pas...
Après une longue nuit de réflexion, il finit tout de même par aller la chercher.
De fil en aiguille, la ferme va se remplir, s'agiter, recommencer à fonctionner. Un ami d'enfance devenu veuf, deux très vieilles dames affolées, des étudiants un peu paumés, un amour naissant, des animaux. Et puis, Paulette....

Mon avis :

Un petit roman très attachant, un dimanche midi, je le trouve sur la table, commence à le feuilleter en regardant la pluie tomber dehors, il m'accroche et me voila au coin du feu à le dévorer, le soir il était terminé.
Barbara Constantine, nous raconte une très jolie histoire de solidarité  d'abord entre des personnes plutôt âgées puis intergénérationnelle. L'histoire est émouvante, les personnages très attachants, un roman sans prise de tête, ce n'est pas de la grande littérature, les personnages manquent un peu d'épaisseur, l'histoire est un peu tirée par les cheveux à certains moments, mais cela ne m'a pas du tout gêné. L'écriture est alerte, on ne s'attarde pas sur les détails, les chapitres sont courts et efficaces, pleins d'anecdotes amusantes et  touchantes.
Un très joli roman pour un après midi pluvieux.

samedi 13 octobre 2012

Avenue des géants - Marc Dugain

Présentation de l'éditeur :

Al Kenner serait un adolescent ordinaire s'il ne mesurait pas près de 2,20 mètres et si son QI n'était pas supérieur à celui d'Einstein. Sa vie bascule par hasard le jour de l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Plus jamais il ne sera le même. Désormais, il entre en lutte contre ses mauvaises pensées. Observateur intransigeant d'une époque qui lui échappe, il mène seul un combat désespéré contre le mal qui l'habite. Inspiré d'un personnage réel, Avenue des Géants, récit du cheminement intérieur d'un tueur hors du commun, est aussi un hymne à la route, aux grands espaces, aux mouvements hippies, dans cette société américaine des années 60 en plein bouleversement, où le pacifisme s'illusionne dans les décombres de la guerre du Vietnam.

Mon avis :

Je n'avais pas lu la quatrième de couverture avant d'avoir lu le livre. Heureusement car je ne l'aurai sans doute pas attaqué, les histoires de tueurs en série me repoussent. Le début du livre m'a semblé très étrange mais si bien écrit qu'il m'a entrainé quasiment d'une traite vers la fin.
C'est donc l'histoire vraie d'un tueur en série que nous conte Marc Dugain.  Il nous entraine dans le monde de Al Kenner avec la construction progressive d'une analyse de sa personnalité extrêmement bien menée, on suit sa vie sans se douter à aucun moment de ce qui va se passer.
C'est une des qualités de ce livre, si on n'a pas lu la quatrième de couverture, on ne comprend que tout à la fin que l'on a affaire à un véritable tueur en série d'une intelligence diabolique. Marc Dugain, arrive avec délicatesse à juste suggérer l'insoutenable tout à la fin du livre. Chapeau, il aurait vraiment été dommage de ne pas le lire.

Quelques citations :


 — Vous pouvez leur annoncer le chiffre. 3952 livres de 71 à aujourd’hui. Et si vous voulez les faire rire, dites-leur que je n’en avais lu qu’un seul entre ma naissance en 48 et 1971. Je l’ai lu trois fois. Devinez lequel ? Elle répond : — La Bible. — Non, Crime et châtiment. Un sacré bon livre, vraiment. Je ne crois pas qu’on en ait écrit de meilleur.

Je voyais qu’elle se méfiait de moi depuis ma colère. La conversation s’est éteinte comme un vieux feu de camp, les gens n’ont pas tant de choses à se dire. Si elle s’étend, c’est que les alcooliques ont pris le relais.

La nature ne connaît ni le silence ni le bruit. Ce n’est pas comme en ville, ce qu’on entend va toujours dans votre sens, celui de votre apaisement, pour peu que vous ayez confiance dans la vie sauvage.

C’est souvent comme ça dans ce pays. Les gens recherchent la solitude on ne sait trop pourquoi et ils la font payer au premier pékin qui se présente en lui tenant le crachoir des heures.

Je ne l’ai jamais vue ni joyeuse ni triste et, même quand elle est méchante, on sent qu’elle se force, que ce n’est pas naturel. La gentillesse lui demande trop d’efforts d’imagination, elle ne saisit pas le concept.

Pourquoi les gens écrivent-ils ? Souvent parce qu’une sourde vanité les rend fiers de leurs malheurs et qu’ils veulent les partager avec le reste de l’humanité parce que, au fond, ils sont trop lourds pour eux. Je crois aussi que beaucoup de gens écrivent parce qu’ils ne trouvent aucun réconfort auprès de leur famille. C ’est même pire, c’est souvent leur famille qui est à l’origine de leurs déboires. Avoir des lecteurs leur donne le sentiment d’être moins seuls sans l’inconvénient d’une promiscuité assommante avec des gens bien intentionnés. Souvent aussi, ils écrivent pour laisser une trace.

J’ai compris alors que nommer quelque chose permettait de le désamorcer en partie. En levant l’interdiction d’en parler, ses essences s’évaporaient doucement, un peu comme un parfum laissé ouvert.

À part quelques auteurs purement cérébraux, il faut un peu de sensibilité pour profiter d’un écrivain.

On n’a jamais entendu cri plus déchirant que celui d’un nouveau-né de l’espèce humaine. La mort est dans une proximité effrayante, bien plus que chez n’importe quelle espèce animale où le nouveau-né trouve une relative autonomie en quelques heures. L’enfant crie sa faiblesse, son absolue précarité

Le seul tort d’Orwell c’était de croire que le totalitarisme prendrait un visage terrifiant. Oh non ! Rien de tout cela, pour autant que vous acceptiez la petite musique mièvre des réseaux sociaux, que vous acceptiez l’obsolescence de tout ce que vous achetez au bout d’un an, que Sisyphe n’ait pour tout repos que la période des soldes, que Google sache tout de vous et puisse  éventuellement le monnayer aux flics, qu’on puisse vous localiser à tout instant avec votre téléphone, vous ne risquez rien.

J’ai entrepris d’écrire mes Mémoires et je sais qu’il y manquera toujours ce qui, masqué ou pas, fait la saveur d’un livre : l’empathie.

Un voilier se découpait sur l’horizon, une prison flottante, l’enfermement des mers dans l’illusion de la liberté absolue.

Mon père disait : « Le blues c’est l’âme qui s’égoutte », et je comprenais pour la première fois le sens de sa phrase. J’étais donc, contrairement à ce que prétendait ma mère, capable d’une forme d’empathie pour les autres.